jeudi 21 février 2008
Les Cerfs-Volants de Kaboul de Marc Forster
Si le film met en scène un sujet que l’on pourrait qualifier de « facile » tant ses ficelles prêtent aisément aux émotions chez le spectateur, il n’en reste pas moins un beau témoignage sur l’Afghanistan « d’avant », celle d’avant l’invasion russe, d’avant l’installation au pouvoir des Talibans. Un aspect de ce pays que l’on a tendance à oublier, tout comme Persepolis et son Iran dévasté, mais où le spectateur sentit, comme son héroïne « l’air si particulier qui borde la Mer Caspienne ».
Les Cerfs-Volants de Kaboul, c’est donc un film sur l’amitié, mais aussi sur la filiation, sur la transmission. Il me sera difficile d’explorer davantage ce point sans dévoiler quelques clefs essentielles à l’intrigue, aussi, pour ne pas priver le spectateur d’un des plus gros rebondissements de l’histoire, je vais faire court. Hassan croyait son père quelqu’un de brave, courageux, sans aucun faux pas. Il découvrira, adulte, que son père fut à une certaine période de sa vie aussi lâche qu’Hassan le fut, étant enfant. Il cherchera à rectifier sa propre erreur, mais également celle de son père. Quant à Amir, qui se fit violer, petit garçon, par une bande d’adolescents haineux, il transmettra lui aussi le même parcours difficile à son fils.
L’on assiste alors à un chassé-croisé de destins brisés, que Hassan tentera tant bien que mal de rectifier, de récupérer. Son exil aux Etats-Unis le préservera du régime établi par les Talibans, mais le retour –provisoire- n’en sera que plus difficile. Le Kaboul des cerfs-volants de son enfance a bien disparu. Les arbres ont fait place à la poussière. Mais le grenadier sur lequel il grava le nom d’Amir et le sien est toujours là, quoique mort. Lueur d’espoir attachée au passé. Kaboul porte en elle un passé magnifique.
A noter aussi certaines très belles scènes, comme le concours de cerfs-volants, rapides, furieux et légers, à l’image de la caméra très aérienne, les filmant, seule fantaisie que celle ci s'autorise. A souligner aussi, les deux excellents comédiens qui incarnent Amir et Hassan enfants. Ils sont les deux révélations du film, et aussi son principal intérêt, tant le scénario, même s'il est bien ficelé et émouvant, ne présente aucune innovation vraiment.
Kaboul fut.
Critique écrite par Cancan
dimanche 17 février 2008
Paris de Cedric Klapisch
Critique écrite par Cancan
Cloverfield de Matt Reeves
Et oui,par défaut, mes amis et moi avons du nous rabattre sur ce film. Enfin sur ce TV film à passer sur direct8 en 2eme partie de soirée. Disons le tout de suite, impossible pour un estomac lambda de supporter le film.
Cloverfield aura bénéficié d’une promotion sur le web impressionnante, près d’un an avant sa sortie en salle. Le mystère soigneusement conservé aura donné lieu à d’innombrables rumeurs sur le nouveau fléau qui s’abat sur Manhattan. La réponse tant attendue, là voici, là voilà: c’est une bébête immonde, probablement extra terrestre (on imagine difficilement Dieu le père créer une telle chose), qui va jouer aux dominos avec les buildings, probablement inspiré par les créatures non moins repoussantes du type Godzilla,King Kong ou Ben Laden. Le quartier est peu sur.
A cause de la grosse vilaine, la fête de jeunes « branchés » est interrompue (enfin, 25 min c’est long) et nos protagonistes tentent de fuir. Mais l’un d’eux décide de revenir en pleine zone rouge pour récupérer sa copine coincée au sommet d‘un gratte ciel. Et bien sur sa bande de potes décide de l’accompagner, dont l’idiot du village qui va tenir la caméra pendant tout le périple. C’est le principe « novateur » de ce film. On suit tout à l’aide d’une caméra amateur (et le mot est faible), copiage du projet Blair Witch. Et là, l’estomac doit suivre, les yeux aussi. Au choix les spectateurs pourront rendre leur repas ou prendre 3 aspirines. Le but annoncé est de se sentir proche de la bande. Difficile de s’attacher à des personnages aussi creux, qu’on rêve de quitter le plus vite possible!!!On prie pour que cette satanée caméra se casse, tellement l’image tressaute,et quand ce n’est pas mal cadrée, c’est flou. L’horreur!
Ce film annonce des concepts novateurs. Nan ce n’est pas le concept « caméra au poignet » (déjà croisé dans la projet Blair Witch) ou le fait de suivre des anti héros. Pas plus que de lâcher une affreuse créature en pleine civilisation (JP3,King Kong,Godzilla…). Les nouveautés sont beaucoup plus subtiles:
-Un caméra New High Tech Generation, totalement indestructible (rien n’y fait,même pas le crash d’un hélicoptère) et qui puis est dotée d’une autonomie époustouflante. Il se murmure dans les sphères financières que Sony serait sur le coup afin d’acquérir le brevet.
-Les hélicos eux aussi défient les lois habituelles,même percuté en plein vol par la grosse vilaine, l’un d’eux s’ecrase sans même une explosion!!
Le film est quand même saturé par les absurdités ou les scènes risibles: la morsure des minis bestioles (ici l’espèce de Golum dopé aux stéroïdes se met à pondre!!!!) provoquent…l’explosion de l’individu. Une fille qui est traversée une barre de fer dans le corps descend sans problèmes les étages du building, et sprinte en pleine rue .Les Américains sont même des modèles de civisme: l’évacuation se déroule dans le calme, pas une scène de panique, tout le monde marche…
Dire que ce film est un navet est peut être exagéré,si l’on survit aux images, le film présente un intérêt mineur,il détend. C’est un film catastrophe basique, à ceci près qu’on ne s’intéresse presque pas à la catastrophe mais plutôt au vécu de la situation. Et finalement on ressort insatisfait et nauséeux
*Cloverfield signifie littéralement champ de trèfles.
critique écrite par Chetito
Le merveilleux magasin de Mr Magorium de Zach Helm
Critique écrite par Cancan
samedi 16 février 2008
Mère et fils d'Alexandre Sokourov
Mère et fils – Le détachement de l’être
Une mère mourante qui vit ses derniers instants avec son fils. L’on ne peut faire plus simple comme histoire, et pourtant, Sokourov mène une réflexion très riche sur notre rapport à la Mort, à l’autre, à la nature.
Le spectateur est plongé dès le début dans l’intimité de ce drôle de couple. La mère et le fils. Le père n’est pas là. Peut-être est-il mort lui aussi. Il n’est pas évoqué pendant le film, ou bien pas en tant que père, mais simplement en tant qu’amoureux, une fois, pendant que le fils lit une vieille carte postale à sa mère, reçue bien des années avant. Les rares discussions entre la mère et le fils sont d’ailleurs axées sur le passé, sur d’étranges souvenirs mêlés à l’angoisse de la perte. Que va devenir le fils, une fois la mère partie ?
Elle choisit. Elle choisit de sortir, plutôt que de manger. Voir la nature, la vie, au lieu de rester cloîtrée dans l’austère maison à ne profiter de rien. Le fils la porte durant une mystérieuse balade onirique et apaisante dans la campagne Russe. Le bruissement des herbes qui se couchent, le ciel qui se couvre, la nature verdoyante qui semble envelopper les deux corps qui évoluent lentement. Le rapport y est très russe, une sorte de retour aux origines. Finalement, ce vers quoi la mère se tourne dans ses derniers instants, c’est elle, c’est nous. Cette nature, pourtant vierge de toute vie humaine, contient tout ce que nous sommes.
Dans ce film, il n’y a guère de repère orthonormé. Les diagonales, les obliques, les courbes sinueuses sont les seuls repères du film, signe de la fin de ce que nous connaissons, de ce qui nous rassure, de ce sur quoi la vie est basée.
C’est également un film sur l’émancipation. La mort de la mère est nécessaire à l’échappement du fils. D’ailleurs, lorsque le fils (refusant de laisser mourir sa mère) lui demande pourquoi elle veut mourir, cette dernière répond : " à cause de toi "
C’est donc une mort physique, mais également symbolique. De ceci naîtra l’Homme, dont l’absence à travers la figure du père se fait cruellement ressentir. La mère, individu asexué sur le déclin, meurt pour donner vie à son fils. Schopenhauer disait : " Que serais-je si mes ancêtres n’étaient pas morts ? "
La mère meurt, le fils perdu erre. Sur la main blanchâtre, immobile et froide, se pose un papillon. Retour à ce que nous étions avant notre naissance. L’être est la nature.
Critique écrite par Cancan
Zabriskie Point de Michaelo Antonioni
Zabriskie Point : L’étouffement du Possible
Deux âmes perdues dans le désert. Lui, vient d’assister à une fusillade entre des policiers et des étudiants Noirs à son université. Mai 68 a gagné le pays de l’Oncle Sam. La police tire sur ses étudiants. Mark a voulu riposter. Mais quelqu’un l’a fait à sa place. Peur de payer pour un crime qu’il n’a pas commis. Mark s’enfuit. Il vole un avion. Il s’envole.
Daria, elle, jeune hippie pas vraiment rebelle, ne se présente pas au travail. Son patron la cherche. Elle est partie " méditer ". Elle roule dans le désert lorsqu’un avion la poursuit, lui fait du gringue. Elle rit, s’étonne, un peu effrayée. " La Mort aux Trousses ". Hitchcock rode.
Mark pose son avion. Daria, intriguée, le rejoint. L’envol, déjà, s’érode. Un avion a besoin d’essence. La fuite de Mark ne peut être qu’éphémère. Celle de Daria n’en n’était pas une. Elle voulait simplement une " pause ". La politique ne l’intéresse pas.
Zabriskie Point, c’est la Vallée de la Mort, annonciatrice du drame que l’on sent venir. Du drame dont même Mark a conscience. " C’est mort ! " lance-t’il à Daria en contemplant l’étendue désertique qui se mue devant lui. Cette dernière voit dans cet endroit le symbole du renouveau. Il n’y a rien. La civilisation est ailleurs. Ici, ils sont seuls, tout y est enfin possible. C’est finalement le symbole de leur fuite. Du possible, sinon j'étouffe.
Alors on fait l’amour, union universelle et créatrice. Un fantasme se joue devant le spectateur. Daria et Mark ne sont pas seuls. D’autres couples –que dis-je ! Couple ? Vraiment ?- s’ébattent à leurs côtés, comme si c’était à Zabriskie Point que l’accomplissement des idéaux pouvait devenir possible.
Mais Mark et Daria sont bel et bien seuls. Une camionnette s’arrête. Un homme et une femme en descendent. Leur mouflet reste à l’intérieur, contemplant par la fenêtre un paysage auquel il n’a pas droit. L’homme murmure quelque chose à propos de l’argent qu’il pourrait se faire s’il implantait à cet endroit un lieu dont j’ai oublié le nom. Contamination du capitalisme, étouffant petit à petit les seuls lieux du Possible. Antonioni est amer, le spectateur aussi.
Alors on peint, on déguise l’avion. Ce travestissement fera sourire le policier qui tuera Mark, un peu désolé. Les esprits libres n’ont pas leur place dans cette société.
Daria, seule, rejoindra son patron dans sa villa, au beau milieu du désert. Celui-ci discute avec ses collègues un projet d’acheminement de l’eau. La contamination progresse. Daria s’enfuit. Le dernier plan, totalement jouissif, détruit, pulvérise la villa, symbole du capitalisme, de la société aliénante. Les plans du début, montrant le bureau où travaille Daria sont d’ailleurs complètement bouchés. Leurs perspectives inexistantes.
Mais cet anéantissement reste utopique, comme les couples s’ébattant dans le désert. Rien n’est possible. Mark a été assassiné. Son avion est cloué au sol. Et le spectateur avec. C’est ce terrible constat que nous pose Antonioni, avec une force impressionnante, muette. Pink Floyd résonne dans nos oreilles. Un film intemporel.